Le karaté que nous pratiquons n’a pas cent ans et, dans la longue tradition des arts martiaux d’Extrême-Orient, on peut dire qu’il est en pleine jeunesse. Mais il a des ancêtres à longue barbe, vieux de quelques milliers d’années, dont l’histoire nous renvoie aux deux grands foyers de civilisations de l’Asie, l’Inde et la Chine. Si le Japon est aujourd’hui considéré comme la patrie de cette méthode de combat sans arme, son berceau se trouve en fait à Okinawa, dans un archipel situé entre la Chine et le Japon et qui fut successivement dominé par l’une et par l’autre.

 

Ce lieu de naissance explique que le karaté, via la Chine, plonge ses racines dans les arts martiaux venus du continent asiatique voisin. Mais aussi qu’il s’est forgé une originalité propre en se rattachant à la lignée du Budo, la « voie des guerriers » du Japon. A l’origine, l’histoire ou la légende, veut qu’un moine indien, Bodhidharma, fondateur du bouddhisme zen, mit au point il y a plus de deux mille ans une éducation physique qui serait l’ancêtre lointain du karaté.

L’objectif était de permettre à ses disciples de résister physiquement aux longues heures de méditation, mais aussi aux attaques de bandits de grands chemins dont étaient victimes les moines itinérants qui propageaient le bouddhisme de l’Inde, où il naquit, vers la Chine, la Corée et le Japon, où il s’est épanoui.

Action et spiritualité, les deux dimensions du karaté se retrouvent dans l’enseignement de Bodhidharma, un gros bonhomme moustachu que les Japonais appellent Daruma. L’étape suivante vit le développement en Chine d’une boxe qui utilise les pieds et les poings, comme le karaté. L’art de Daruma fusionna avec les méthodes de combat locales pour donner le kung-fu enseigné notamment dans le célèbre temple de Shaolin.

De la même façon, le kung-fu se combina avec l’art du combat d’Okinawa, Okinawa-te, après la conquête de l’île par la Chine au XIV- XVème siècle. L’Okinawa-te, évolua ainsi d’une technique locale assez primitive, mais destructrice vers une synthèse plus élaborée incorporant l’art chinois et sa philosophie d’austérité et de non-violence.

Un changement décisif fut donné plus de deux cents ans plus tard, au début du XVIIème siècle, quand des seigneurs japonais, les Satsuma, remplacèrent la Chine comme les nouveaux maîtres d’Okinawa. Le clan interdit la possession des armes, amenant les habitants de l’île à perfectionner leur art dans le secret.

On s’entraînait la nuit et le karaté (qui ne portait pas encore ce nom) devint une méthode de combat des plus violentes. Son but était de tuer un adversaire à main nue, si possible d’un coup unique. Avec l’entrée du Japon dans le monde moderne, à la fin du siècle dernier, Okinawa s’émancipa de la domination du fief de Satsuma et devint un département de l’archipel japonais. Le karaté put sortir de l’ombre et perdit de sa raison d’être initiale pour devenir un art de défense et une autodiscipline.

Il fut officiellement enseigné dans les écoles d’Okinawa au tournant du siècle. Puis, par un renversement des rôles, il partit à la conquête du Japon où il fut introduit par un des maîtres de l’île, Gichin Funakoshi, lors d’une démonstration historique en 1922 à Tokyo. Moins de dix ans plus tard, l’art de combat d’Okinawa fut officiellement reconnu comme un art martial japonais majeur, au même titre que le judo.

Les talents de pédagogue de Funakoshi et la puissance de frappe du karaté avaient fait grosse impression. Le développement du karaté profita aussi du climat de l’époque. On était en plein régime militariste et nationaliste.  L’esprit du Budo venait à point servir les projets de conquête des armées impériales. Le terme karaté fut officiellement fixé à cette époque, en 1936, avec les idéogrammes de « la main vide », par opposition aux termes également utilisés jusque-là et qui reconnaissaient la filiation chinoise.

Le karaté de style Shotokan que nous pratiquons au club descend en ligne directe de celui de Funakoshi. L’école prit le nom du dojo de son fondateur : le pavillon (kan) dans le murmure des pins se balançant au vent (shoto), pseudonyme sous lequel Funakoshi écrivait ses poèmes. Ce style se caractérise par des postures relativement basses, une rapidité et une légèreté plus accentuées que dans d’autres écoles qui mettent l’accent sur la puissance et la fermeté des positions.